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Nadine Leibundgut, experte officielle auprès de l’Office des affaires vétérinaires

Quand un chien mord une personne ou un congénère dans le canton de Berne, Nadine Leibundgut est l’une des premières informées. Sa mission est de prévenir toute récidive en imposant des mesures au maître de l’animal.

« À 7 heures du matin, je suis au bureau. Je vérifie si des incidents impliquant des chiens ont été signalés depuis la veille. La loi cantonale sur les chiens impose aux médecins, aux vétérinaires et à d’autres organismes concernés de communiquer les comportements excessivement agressifs et les morsures dont sont victimes des personnes ou d’autres animaux. Le formulaire à utiliser mentionne la date et le lieu de l’incident, la localisation de la morsure et sa gravité. Sur la base de ces informations, je peux me faire une première idée de ce qui s’est passé. Par contre, le formulaire ne dit rien des raisons qui ont amené le chien à mordre. C’est là que j’entre en jeu. 

Si la blessure décrite est sérieuse ou si nous avons déjà reçu des signalements pour ce chien, je demande au maître de nous donner sa version des faits sur un autre formulaire. Il doit décrire les circonstances de l’incident en détail, mais aussi les conditions de vie de l’animal, et préciser s’il a été dressé. Nous demandons aussi à la propriétaire ou au propriétaire comment il compte s’y prendre pour empêcher une récidive. La personne mordue ou le maître de l’animal mordu reçoivent le même formulaire. Ces éléments me permettent de bien cerner les faits et de prendre des mesures proportionnées. Je n’ai souvent que des contacts écrits avec les maîtres des chiens, même s’il m’arrive de leur téléphoner ou de me déplacer pour aller à leur rencontre. Comme je suis la responsable pour tout le canton, je me rends aussi bien dans le Jura bernois que dans l’Oberland.

Un millier d’incidents sont signalés chaque année dans le canton de Berne, mais des mesures ne sont ordonnées que dans une trentaine de cas. La loi en prévoit plusieurs, allant de l’obligation de tenir le chien en laisse ou de le museler à celle de suivre des cours de formation. Dans certains cas, l’animal devra être saisi, voire euthanasié. Bien souvent, une simple recommandation suffit pour que le maître soit mis face à ses responsabilités. Avant de travailler pour le canton de Berne, j’effectuais des évaluations comportementales et de dangerosité en qualité de vétérinaire comportementaliste. J’ai aussi dressé des chiens. Ce bagage m’est utile, tout comme le fait que je possède des chiens, pour tirer les bonnes conclusions après avoir entendu les experts. Je ne décide pas seule des mesures imposées aux propriétaires. Nous prenons ces décisions parfois lourdes de conséquences à plusieurs afin de bien peser le pour et le contre. 

J’apprécie de pouvoir décider de mesures préventives. C’est bien différent du travail de la police ou de celui du ministère public, qui prononcent des sanctions. Les dispositions de la loi sur les chiens ont pour but d’empêcher l’animal de causer du tort aux personnes ou à d’autres animaux. Pour ce qui est des mesures elles-mêmes, il faut trouver un juste milieu entre la prévention et le bien-être du chien, comme l’exige la législation sur la protection des animaux. C’est tout l’intérêt de ma mission ! Si les approches sont souvent similaires, chaque cas reste particulier.

Du flair et de la pédagogie sont indispensables pour dialoguer avec les propriétaires. Leur mauvaise volonté n’est pas en cause si le chien se comporte bizarrement ou s’il mord : l’ignorance, une fausse interprétation ou l’humanisation de l’animal, en revanche, y sont souvent pour quelque chose. Dans ces cas, nous nous efforçons surtout d’informer et d’expliquer les choses afin que les mesures soient mieux comprises et appliquées. Mais il arrive malheureusement que les chiens sévissent à nouveau. Les incidents auront alors beau être sans gravité : la compétence des maîtres sera remise en question. La plupart des propriétaires sont pleins de bonne volonté. On le voit dans les formulaires, lorsqu’ils exposent les mesures qu’ils envisagent de prendre. Nous décidons de clore un dossier lorsque nous sommes convaincus que le propriétaire a pris les bonnes dispositions pour éviter que son chien ne morde à nouveau. Dans trois quarts des cas, l’animal ne pose plus de problème par la suite.

Il est important de faire la part des choses. Le canton de Berne compte près de 66 000 chiens, un peu moins que le canton de Zurich. Quand on sait que mille incidents impliquant des chiens sont enregistrés chaque année chez nous, on peut en déduire que la plupart des toutous se comportent bien. Il faut le souligner, d’autant qu’on impose toujours plus d’obligations au quotidien. Le caractère du chien est une chose, mais c’est bien le propriétaire qui tient la laisse, en fin de compte. »

Propos recueillis par Lukas Reinhardt

Photo : Adrian Moser 

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