Beatenberg, dit «le village le plus long du canton»

Qui recherche le village le plus long du canton tombe inévitablement sur Beatenberg, dans l’Oberland bernois. Le panneau d’entrée d’agglomération indique même « village le plus long d’Europe ». Explications.

Beatenberg, c’est d’abord une rue principale perpendiculaire à un versant et une vue imprenable sur l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau. De nombreux hôtels de charme de la période Art nouveau se dressent le long des douze kilomètres qui séparent les deux extrémités du village. Le car postal effectue le trajet en une vingtaine de minutes, le temps nécessaire pour parcourir la distance entre le premier et le dernier arrêt de la localité. Est-ce suffisant pour prétendre au titre de « village le plus long » du canton de Berne ? Un coup de fil à l’Office de l’information géographique du canton de Berne devrait permettre de lever le doute. Au lieu de ça, l’embarras est grand à l’autre bout du fil : quels sont les critères pour mesurer la longueur : la longueur de la rue principale ? la distance de bout en bout ? la distance à vol d’oiseau ? Melanie Wyss, à l’administration communale de Beatenberg, précise: « Cette information sur le village le plus long d'Europe date d'autrefois. Aujourd'hui, nous axons plutôt notre promotion sur l'ensoleillement et le panorama – même si Beatenberg reste bien sûr un long village ».

Pourtant, Beatenberg a bien plus à offrir que des kilomètres. D’après la légende, Saint-Béat aurait chassé au Moyen Âge un méchant dragon des grottes situées au-dessus du lac de Thoune, avec l’aide de la Trinité. Il aurait ensuite vécu là en ermite. Devenue sanctuaire, sa tombe présumée attira de nombreux pèlerins.

Quinze kilomètres de cet immense réseau de grottes ont été explorés. Des visites guidées sont organisées pour découvrir mille mètres d’un fabuleux réseau de stalactites et de stalagmites. Depuis 2022, les grottes de Saint-Béat restent ouvertes toute l’année.

Des falaises abruptes du Niederhorn, le sommet voisin, le regard embrasse le panorama spectaculaire du lac de Thoune. À la belle saison, on peut rejoindre le Niederhorn au départ de Habkern, en passant par le Gemmenalphorn. Ce sentier mérite d’être parcouru, ne serait-ce que pour admirer la colonie de bouquetins. Randonnées en raquettes, piste de luge panoramique et pistes de ski bien entretenues font du Niederhorn une destination très appréciée en hiver.

Beatenberg est la montagne magique de l’Oberland bernois, celle dont Rilke ne parvenait pas à se détacher. En août 1922, ce véritable bourreau de travail écrit à sa mère qu’il a décidé de prendre quelques jours de repos à Beatenberg, mais qu’il s’y trouve depuis une semaine déjà. Une situation presque contre nature pour le poète intranquille, qui ignorait ce qu’étaient les vacances. Dans sa correspondance, il dit sa fascination pour la quiétude de la station thermale et les forêts, qui lui rappellent son enfance.

Il n’empêche : qui ne souhaite pas passer ses vacances à la montagne, comme l’avait fait Rilke, doit attraper impérativement le dernier car postal pour Interlaken, à 22h30. Sous peine d’apprendre à ses dépens combien la traversée d’une petite localité d’altitude peut sembler interminable. Qui souhaite quand même tenter l’expérience peut se prendre une chambre pour la nuit, regarder les lumières en contrebas sur les rives du lac et attendre que les nuages se teintent de mauve. Avant de se retrouver soudainement à la table du petit-déjeuner et d’écrire une longue missive à sa propre mère.

Texte : Salome Heiniger
Illustration : Thibaut Muller